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Chroniques
Salvatore Sciarrino
Vento d'ombra – Due notturni crudeli – Lohengrin
Salvatore Sciarrino (né à Palerme en 1947) aborde la musique en autodidacte en composant, de douze à vingt-deux ans, d'après des haïkus. Très souvent récompensé, son catalogue est des plus riches, qui prône un monde sonore transparent, raréfié et proche du silence, agité d'une multitude de sons microscopiques et d'un flot continu de bruits infimes – hommage à Giuseppe Sinopoli et première plage de cet enregistrement, Vento d'ombra (2005) en est une illustration parmi d'autres. Au musicologue Gianfranco Vinay (Festival Ars Musica), le créateur confie :
« Ce n'est pas de produire des nouvelles œuvres qui est si important ; l'essentiel, c'est de produire de nouvelles solutions, de nouvelles questions plus que de nouvelles réponses. Je ne vois pas l'artiste comme quelqu'un qui produit ou éclaircit. Non, il doit rendre problématique, afin que nous puissions vivre d'une manière intense le présent. Aujourd'hui l'atmosphère est de plus en plus étouffante. Cela m'oblige à garder une énorme énergie. Je voudrais avoir l'énergie de ma jeunesse afin de pouvoir m'opposer à ce moment d'aplatissement et d'obscurcissement. Mais je suis obligé de faire un grand effort ».
Les années passant, Sciarrino s''intéresse de plus en plus à la voix et notamment à l'opéra en un acte : Amore e Psiche (1972-73), Perseo e Andromeda (1990), ou encore ses récents Da gelo a gelo [lire notre chronique du 23 mai 2007], La porta della legge et Super flumina (2006-08). Concernant Lohengrin (1984), action invisible pour soliste, instruments et voix, Vinay explique qu'elle est « la représentation sonore de la folie de la protagoniste, Elsa, dont la voix assume une fonction cosmogonique. La scène, comme dans un monologue de Beckett, est un lieu suspendu entre différents états de conscience et différentes réalités intérieures (espace mental : conscience, mémoire) et extérieures (sons de la nature et du paysage sonore environnant). » Du Lohengrin, fils de Parsifal publié par Jules Laforgue en 1886, Sciarrino extrait quelques phrases et recompose à son gré, renversant même l'ordre d'événements et d'épisodes bien connus du mélomane.
Créée le 15 janvier 1983 à Milan, la version ici présentée est celle du Tiroler Festspiele de 2005, avec le soprano Marianne Pousseur, d'un impact et d'une incarnation convaincants. Tito Ceccherini dirige l'Ensemble Risognanze. Quant au pianiste qui intervient sur Due notturni crudeli (2001), troisième œuvre au programme, il s'agit d'Alfonso Alberti, déjà présent sur le disque Castiglioni, pour le même éditeur (WWE 1CD 20274).
LB